Elevage en étang de la Tilapia du Nil (Oreochromis niloticus)
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Un étang de pisciculture est une pièce d’eau que l’on peut remplir et vider selon les nécessités de la pisciculture. Il est composé d’une digue, de canaux d’alimentation en eau, d’une assiette et d’un moine (dispositif de régulation du niveau d’eau). Il doit constituer un milieu favorable au développement de poisson. Oreochromis niloticus ou carpe du Nil est l’espèce la plus élevée en pisciculture tropicale. Cette espèce est reconnaissable aux rayures verticales sur la sa nageoire caudale.
Images de Oreochromis niloticus (gauche), d’assiette de l’étang (centre) et du moine (droite) (DPA, ME/LCD)
1. Objectifs
- Améliorer l’état nutritionnel des populations ;
- Augmenter les revenus des producteurs.
2. Contexte/Conditions du milieu
L’élevage de la carpe est pratiqué en zones sahélienne, sahélo-soudanienne et soudanienne où l’eau est disponible toute l’année et est favorable au développent du poisson. Les étangs peuvent être creusés dans le sol, soit en partie dans le sol et en partie au-dessus, soit sous une élévation naturelle du sol. La terre doit contenir au moins 25% d’argile.
3. Etapes de mise en œuvre
❖ Caractéristique des étangs
La profondeur de l’étang doit être entre 0,5 m et 1 m sur le côté le moins profond et descendre jusqu’à 1,5 à 2 m sur le côté du point de vidange. La forme idéale d’un étang est rectangulaire ou carrée.
❖ Mise en eau des étangs
La mise en eau d’un nouvel étang doit être progressive et lente (5 à 10 cm/jour) pour permettre aux digues de s’imbiber d’eau, de se compacter et de devenir étanches.
❖ Fertilisation
La fertilisation permet le développement de la production primaire ; l’épandage de l’engrais minéral peut se faire avant la mise en eau mais l’apport du fumier peut se faire avant ou après la mise en eau. La norme est de 0,5 à 0,8 kg de superphosphate par are et par semaine et 1,5 à 3,2 kg/ are/ semaine pour les autres engrais minéraux. Pour la Fumure organique, la norme est 10 à 20 kg/are/semaine.
❖ Mise en charge des étangs
La mise en charge intervient deux semaines après la fertilisation. Elle varie en fonction des phases d’élevage (reproduction, pré-grossissement et grossissement).
❖ Reproduction
Les géniteurs sont introduits dans une proportion d’un mâle pour 3 femelles à densité de 0,7 poissons /m2. Il est souhaitable que le poids de géniteurs soit de 250 g pour le mâle et 150 g pour la femelle. La première pêche intermédiaire intervient 30 à 45 jours après la mise en charge des géniteurs et se poursuit au rythme de 15 jours ou chaque mois. La quantité d’aliment (50% de tourteau d’arachide et 50% de son de blé) en farine, par jour est de 2 à 3 % de la biomasse des géniteurs. La pêche des alevins se fait à la senne de plage de 6 mm de maille. Les alevins pêchés ont un poids moyen de 1 à 3 g. Avec un seul étang de reproduction on peut prévoir 2 à 3 étangs de pré-grossissement et 4 à 7 étangs de grossissement. La durée de la phase de reproduction est de 5 à 6 mois.
❖ Pré-grossissement ou production de fingerlings (Alevin de 20 et 50 g)
L’étang (4 ares) de pré-grossissement doit être maintenu plein durant toute la durée d’élevage (2 à 3 mois) suivant l’alimentation. Les alevins récoltés de l’étang de reproduction sont comptés, pesés et mis dans l’étang de pré-grossissement à la densité de 20 poissons/m2 afin d’obtenir la taille de sexage (20 et 50 g). Des pêches de contrôle sont effectuées chaque mois. L’alimentation (40% de tourteau d’arachide, 40% de son de blé et 20 % de farine de poisson) sous forme de granulé, apportée par jour est de 15% de la biomasse des alevins mis en charge. Ce pourcentage est ajusté après chaque pêche de contrôle.
❖ Grossissement
L’étang (4 à 5 ares ou plus) de grossissement doit être maintenu plein durant toute la durée d’élevage (4 à 6 mois voire plus suivant l’alimentation). La mise en charge s’effectue avec des fingerlings mâles à la densité de 2 à 5 poissons/m2 avec un optimum de 2,5 poissons/m2. Des pêches de contrôle sont effectuées chaque mois. L’alimentation (75% de son de riz ou de blé, 15% de tourteau de coton et 10% de farine de poisson ou 45% de tourteau d’arachide, 45% de son de riz ou de blé et 10% de farine de poisson) apportée par jour est de 5,3% de la biomasse. Ce pourcentage est ajusté après chaque pêche de contrôle. Dans les meilleures conditions d’élevage, les poissons atteignent la taille moyenne de 250 g en 4 ou 6 mois selon la performance de l’aliment.
❖ Alimentation
L’alimentation proprement dite est indispensable car l’alimentation par la fertilisation bien que nécessaire est insuffisante pour la production d’une taille marchande en un temps réduit. L’aliment composé à base de sous-produits agricole doit couvrir le besoin en protéine de la carpe qui est de 20 à 25%. L’aliment doit être apporté à la volée ou dans un cadre confectionné dans un coin de l’étang. La fréquence est de 2 apports au moins par jour, le matin entre 8 h et 9 h et le soir entre 15 h et 16 h.
Poids moyen de poisson (g) |
Taux de nourrissage (% de la biomasse totale dans l’étang) |
5 à 10 |
15 |
10 à 20 |
10 |
20 à 50 |
5,3 |
50 à 150 |
3 |
150 à 200 |
2,5 |
200 à 250 et plus |
2 |
❖ Contrôle, surveillance et suivi
La pêche de contrôle doit s’effectuer mensuellement avec une senne et consiste à prélever un échantillon de 25% de la population de poisson. Elle permet de suivre l’état des poissons en élevage ou de réajuster la ration alimentaire en fonction du poids moyen des poissons ou de savoir si le poisson a atteint la taille marchande.
La surveillance de l’étang consiste à surveiller le niveau d’eau, sa couleur, les tuyaux d’alimentation et de vidange, éliminer les plantes aquatiques, et à entretenir la digue et le canal.
Le suivi des activités piscicoles permet au pisciculteur d’avoir une idée exacte des interventions qu’il effectue et de relever les difficultés.
❖ Récolte et vidange des étangs
A la fin du cycle, la récolte est effectuée et les étangs sont vidangés.
Caractéristiques des indices techniques de la bonne conduite de l’élevage :
Valeur d’Indice technique |
Appréciation |
Croissance individuelle (Ci) ≥ 0,9 g/jour 0,7 g ≤ Ci ≤ 0,9 g/j Ci < 0,7 g/j |
Bon Satisfaisant Mauvais |
Quotient nutritif (QN) < 3 3 ≤ QN ≤ 3,5 g/j QN > 3,5 |
Bon Satisfaisant Mauvais |
Taux de survie en fin de cycle (t) ≥ 75% |
Bon Satisfaisant Mauvais |
Le quotient nutritif (QN) appelé aussi indice de consommation (IC) est la quantité d’aliment nécessaire pour produire 1 kg de poisson.
La croissance individuelle (CI) est le rapport entre le gain de poids et le nombre de jour de nourrissage.
❖ Matériel technique
Caisse de transport, bidon plastic de 50 litres, sac en polyéthylène, demi-fût et jarre (pour le transport des alevins), balance, senne, bassines, seaux, aliment, grande épuisette, petite épuisette, filets, bobines de fil de montage.
4. Mesures de gestion, d'appropriation et de pérennisation
Après récolte et vidange, les étangs doivent faire l’objet de réparation et d’un entretien sérieux pour créer les conditions de démarrage d’un nouveau cycle. Les principales opérations de l’entretien des étangs sont :
- La misse à sec qui permet de détruire les plantes aquatiques résiduelles, les parasites et les prédateurs de poisson. La période d’assec (période où l’étang est complètement vidangé) doit être courte pour éviter les fissures sur le fond et les digues ;
- Le curage qui consiste à enlever l’excès de vase qui recouvre l’assiette de l’étang ;
- La réfection des canaux, la remise en état des digues et le nettoyage des grilles et grillage de protection.
5. Avantages et inconvénients/contraintes
Avantages |
Inconvénients/contraintes |
- Reproduction synchronisée en captivité ; - Bonne croissance ; - Bon taux de conversion alimentaire ; - Rusticité ; - Régime alimentaire éclectique ; - Augmentation de revenus aux pisciculteurs ; - Bon taux de survie ; - Chair appréciée par les consommateurs ; - Utilisation de l’eau de vidange des étangs dans le maraîchage. |
- Les males grossissent plus vite que les femelles ; - Forte précocité ; - Risque de maladies liées à l’eau ; - Nanisme en cas de surpeuplement. |
6. Coûts de la technique
Sur la base d’une unité constituée d’un étang de reproduction (200 m²), 2 étangs de pré-grossissement (2 x 400 m²) et de 4 étangs de 400 m² et d’un taux de survie de 90%, les charges de production sont les suivantes :
Rubriques |
Unité |
Quantité |
Prix unitaire (FCFA) |
Montant (FCFA) |
Aménagement piscicole (investissement à long terme) |
m² |
4 000 |
500 |
2 000 000 |
Construction d’étang en terre battue fonctionnel (investissement à long terme) |
m² |
2 800 |
1 000 |
2 800 000 |
Achat et transport des géniteurs |
Géniteurs |
140 |
750 |
105 000 |
Bouteille d’oxygène |
Unité |
1 |
50 000 |
50 000 |
Bidon plastic de 50 litres |
Unité |
4 |
500 |
2 000 |
Balance |
Unité |
2 |
5 000 |
10 000 |
Bassines |
Unité |
4 |
4 000 |
16 000 |
Seaux |
Unité |
4 |
1 000 |
4 000 |
Grande épuisette, |
Unité |
1 |
5 000 |
5 000 |
Petite épuisette, |
Unité |
1 |
3 000 |
3 000 |
Filet |
Unité |
1 |
30 000 |
30 000 |
Senne (pour la capture) |
Unité |
1 |
40 000 |
40 000 |
Caisse isotherme de transport |
Unité |
1 |
50 000 |
50 000 |
Sacs (en polyéthylène) |
Forfait |
Forfait |
5 000 |
5 000 |
Demi-fût (transport) |
Unité |
1 |
5 000 |
5 000 |
Jarre (transport) |
Unité |
1 |
3 000 |
3 000 |
Bobines de fil de montage. |
Unité |
1 |
3 000 |
3 000 |
Aliment pour reproduction (140 géniteurs) (investissement annuel) |
Sac de 15 Kg |
Forfait |
Forfait |
100 000 |
Aliment pour pré-grossissement (16000 alevins) (investissement annuel) |
Sac de 15 kg |
Forfait |
Forfait |
200 000 |
Aliment pour grossissement (16000 x 90% 14400 fingerlings) |
Sac de 15 kg |
Forfait |
Forfait |
500 000 |
Achat motopompe à gaz et son kit accessoire |
Unité |
1 |
500 000 |
500 000 |
Fertilisation |
FF |
FF |
200 000 |
200 000 |
Approvisionnement en gaz |
Cycle |
1 |
120 000 |
120 000 |
Main d’œuvre |
H/J |
300 |
1 500 |
450 000 |
Entretien |
FF |
FF |
120 000 |
120 000 |
Total investissement |
|
|
|
7 321 000 |
NB: Ces coûts sont indicatifs et peuvent varier selon les contextes
7. Durée de vie
Un cycle de production dure 4 à 6 mois et la durée de vie des étangs peut excéder 10 ans.
Références bibliographiques
- Kestemont P., Micha C. et Falter U., 1989. Les méthodes de production de Tilapia nilotica. Programme de mise en valeur et de coordination de l’aquaculture. ADCP/REP/89/46. Rome, Italie, PNUD et FAO., 132 p.
- Lacroix E., 2004. Pisciculture en zone tropicale. GFA et GTZ. 223 p.